Université de Tel Aviv, UHJ : des cellules du foie humaines développées en laboratoire

Fluorescently labeled polarized Upcyte® hepatocytes.
Credit: Prof. Yaakov Nahmias Fluorescently labeled polarized Upcyte® hepatocytes. Credit: Prof. Yaakov Nahmias

Une collaboration germano-israélienne a permis de mettre au point une nouvelle technique pour le développement de cellules du foie humaines, développées en laboratoire, hautement fonctionnelles c’est-à-dire qu’elles présentent de nombreuses caractéristiques communes avec celles des cellules hépatiques in vivo. Cette étude est parue dans la revue « Nature Biotechnology ». Cinq équipes ont travaillé sur ce projet, l’équipe du Dr Yaakov Nahmias directeur du Centre de Bio-ingénierie « Alexander Grass » de l’Université Hébraïque de Jérusalem ; l’équipe du Pr Oren Shibolet du Département de Gastro-entérologie du Centre Médical de Tel Aviv de l’Université de Tel Aviv ; le Dr Sklan Ella du département de microbiologie et d’immunologie clinique de la Faculté de Medecine « Sackler » de l’Université de Tel Aviv et les équipes allemandes « Upcyte Technologies GmbH » d’Hamburg et « Medicyte GmbH » d’Heidelberg. Il s’agit d’une avancée très prometteuse pour les études scientifiques liées aux pathologies du foie, pour étudier la toxicité de nouveaux médicaments, ou pour développer des foies artificiels pour des patients en attente de greffe.

Structure et fonctions des hépatocytes

Le foie est le plus volumineux des viscères humains. Il assure trois fonctions vitales qui sont l’épuration, la synthèse et le stockage. Il effectue le plus grand nombre des transformations chimiques. Les cellules majoritaires du foie sont les hépatocytes (85% des cellules). Elles sont organisées autour des sinusoïdes, à savoir des capillaires où le sang circule et qui sont regroupées dans les lobules hépatiques. Comparées à la majorité des autres cellules humaines, ce sont des cellules particulières car pouvant comporter plusieurs noyaux. Elles sont polarisées, c’est à dire qu’elles possèdent deux faces distinctes, une des faces est au contact du sang et la seconde constitue un réseau de canalicules biliaires par accolement des membranes de plusieurs cellules. Les deux faces sont séparées par un endothélium. Les hépatocytes humains normaux ont souvent une aneuploïdie, c’est-à-dire comportent un nombre de chromosomes différent de 22.

Les principales fonctions métaboliques des hépatocytes sont (i) – la synthèse (glycogénogenèse) et phosphorylase (glycogénolyse) du glycogène, (ii) – la néoglucogenèse à partir des lipides, (iii) – la dégradation de l’hémoglobine et la sécrétion exocrine de bile, (iv) – le traitement de nombreuses substances toxiques dont l’alcool, grâce à leur système enzymatique (Cytochrome P450, …) et (v) – l’excrétion des pigments et des sels biliaires. Fonctions assurées par leurs organites et leurs enzymes.

Pourquoi développer des cellules en laboratoire

Ces cellules sont utilisées en routine par les industries pharmaceutiques pour étudier la toxicité hépatique des nouveaux médicaments, la clairance des médicaments et les interactions médicamenteuses. Elles ont également des applications cliniques en thérapie cellulaire pour corriger des défauts génétiques, dans certains cancers ou encore en cas de cirrhose,…

Développement d’hépatocytes au laboratoire

Dans l’organisme, les cellules du foie peuvent se régénérer rapidement. Cette caractéristique est connue depuis l’Antiquité. En effet dans le mythe Héphaïstos enchaîne Prométhée nu à un rocher dans les montagnes du Caucase, où un aigle (ou un vautour selon les versions) vient lui dévorer le foie chaque jour. Sa souffrance devient infinie, car chaque nuit son foie repousse. Les Grecs anciens avaient donc connaissance de la capacité du foie à se régénérer spontanément en cas de lésion. Cependant lors de la culture in vitro cette caractéristique n’est pas retrouvée. Les cellules du foie développées jusqu’à présent étaient des cellules cancéreuses immortalisées avec peu de fonctions métaboliques, très loin des cellules hépatiques présentes in vivo.

Une étude préliminaire a permis de montrer que le traitement des hépatocytes avec une faible quantité de protéines HPV E6 et E7 au cours de l’arrêt du cycle cellulaire, leur permettait de proliférer sous l’action de l’oncostatine M (OSM), un membre de la superfamille de l’interleukine 6 (IL-6) qui est impliqué dans la régénération du foie (le nombre des cellules double en 33-49h). En l’absence d’OSM, la prolifération stoppe et la différentiation hépatique est observée après 4 jours en cellules hautement fonctionnelles. Dans les cellules traitées, l’activité du CYP450 est maintenue, ainsi que la polarisation épithéliale, et l’expression des protéines au même niveau que dans les hépatocytes humains primaires. De plus, des études de toxicologie sur des hépatocytes en prolifération ont montré une réponse similaire à celle des hépatocytes humains primaires pour 23 médicaments différents. Grâce à cette méthode, il est facile d’obtenir un grand nombre de cellules en très peu de temps pour de très nombreux patients. Les tests de toxicité pourront ainsi être menés facilement sur un grand nombre de patients et permettront d’assurer une très grande innocuité des médicaments en s’affranchissant des problèmes d’inter-variabilité. De plus, les coûts des études devraient être réduits grâce à cette nouvelle technologie.

Publication dans Nature Biotechnology, 26 novembre 2015

Auteur : Cortial Angele, Volontaire internationale chercheuse à l’Institut de Recherche des Médicaments – Ecole de Pharmacie, Faculté de Médecine, Université Hébraïque de Jérusalem.

Source BVST

Israël Science Info