Des scientifiques israéliens (Technion, Haïfa U.) et du monde entier montrent le lien entre obésité et environnement 

Des études scientifiques menées dans les pays occidentaux ont observé des corrélations entre l’environnement et le surpoids chez les enfants. Ces liens sont toutefois très complexes et difficiles à interpréter car ils intègrent bien souvent d’autres facteurs. Une question à  laquelle on aurait tendance à répondre par l’affirmative. Car il semble  logique de lier la prise de poids chez les enfants à leur mode de vie et surtout à leur activité physique.  Ce sujet a été largement étudié aux Etats-Unis et en Europe. On constate qu’un environnement favorisant l’activité est susceptible d’avoir une incidence sur le poids des adolescents mais dans des proportions limitées, de nombreux autres facteurs entrant en jeu.

Récemment  des équipes de scientifiques de  l’université de Haïfa et du Technion ont recherché les éventuels liens entre environnement et poids. Ils ont  conduit  une enquête et ont montré que le lien entre  activité physique et prise de poids était  quasi inexistant dans la région. 

En revanche une constatation émerge : les  garçons ont plus tendance à prendre du poids que les filles au même âge et ce même s’il sont plus actifs et pratiquent plus d’exercice physique qu’elles.  

L’Organisation Mondiale de la Santé souligne que l’obésité chez les adolescents est considéré comme  “un des problèmes de santé publique  les plus graves du  21e siècle’” et concerne toutes les zones urbaines dans tous les pays,  pauvres ou riches.

Les chiffres : L’obésité chez les enfants entre 5 et 19 ans est passé de 11 millions en 1975 à 124 millions en 2016. Au Moyen-Orient, le surpoids a grimpé de 20% entre 1975 et 2016 et cette région a le triste privilège d’être celle dans le monde où l’obésité des enfants s’est le plus développée au cours des 40 dernières années.

Selon les données de l’OCDE, le taux d’obésité en Israël des enfants au-delà de 15 ans est de 17% (selon des données compilées entre 2013 et  2014), en hausse par rapport aux 11% entre 2001 et 2002. En France, à  titre de comparaison, on compte 17% d’adolescents en surpoids mais seulement 4 % répondant à la définition d’obèse.

La tendance à l’obésité provient d’un régime alimentaire déséquilibré, d’un manque d’activité, d’un environnement familial peu concerné par les règles diététiques et notamment par une consommation excessive de boissons gazeuses sucrées.

Ces facteurs jouent un rôle déterminant, surtout chez les garçons. Même s’ils sont plus actifs que les filles, ils s’alimentent moins bien et sont plus friands de junk food.

La marche à pied réduit le surpoids aux Etats-Unis mais pas dans les pays moins développés

Professor Orna Baron-Epel

Professor Orna Baron-Epel

“Comprendre la relation entre l’obésité et l’environnement bâti est bien plus complexe qu’il n’y paraît  et de nombreux facteurs entrent en jeu dont certains ne sont pas encore totalement définis”,  explique  le professeur Orna  Baron-Epel responsable de l’unité de recherche sur la prévention et la santé à l’Université de Haïfa et une des auteurs de l’étude sur l’obésité et les enfants.

Les chercheurs se sont attachés à expliquer les raisons de la prise de poids et si celle-çi dépendait de l’environnement bâti autour de l’enfant.  Ce  terme intègre  plusieurs paramètres dont la densité de population, le ratio entre quartiers résidentiels et commerciaux,  l’accessibilité des routes aux piétons, aux bicyclettes, aux équipements sportifs, aux espaces verts…

“Le concept d’environnement bâti a été développé par des urbanistes et est utilisé dans le monde entier “, indique Orna Baron-Epel.

L’urbanisme peut aider à résoudre des problèmes de santé liés à l’obésité en encourageant l’adoption de modes de vie sains et actifs, notent les experts mais ils ne suffisent pas, loin de là.

Les conclusions des études sur l’obésité sont différentes selon les lieux. Ainsi dans les enquêtes menées en Australie, aux Etats-Unis et en  Europe où tout était conçue encore récemment autour de l’automobile,  encourager désormais la marche à pied avec la construction de trottoirs,  d’espaces verts  a une  incidence sur le poids. 

“Pour l’instant c’est aux Etats-Unis, où l’automobile est reine,  qu’ont été menées la majorité des recherches et il faut  se garder de généraliser ce constat aux autres parties du monde”, fait remarquer  le prof. Baron-Epel.

Ainsi en  Amérique latine et dans l’est de l’Asie ou au Moyen-Orient la marche à pied a peu d’impact sur l’obésité. D’autres facteurs socioéconomiques sont désignés pour expliquer le surpoids chez  les adolescents. 

Les scientifiques de l’université de Haïfa et du Technion avec l’aide d’experts américains ont mené une étude, récemment publiée, qui a recherché la corrélation entre l’environnement bâti et l’obésité chez les adolescents dans trois grandes villes  d’Israël, Beer Sheva au sud, Haïfa au nord et Rishon LeZion au centre.

L’institut américain spécialisé dans les études sur les liens entre l’activité sportive et l’environnement,  l’IPEN (International Physical Activity and the Environment Network) basé en Californie, a participé à ces travaux. 

Ces trois villes ont été choisies car elles se distinguent en terme de climat, d’altitude, de population et d’environnement bâti. 

Une enquête téléphonique s’inspirant des critères utilisées par l’IPEN  a été menée sur 904 adolescents entre 15 et 18 ans, choisis au hasard et vivant à Beersheva, Haïfa, et Rishon LeZion. L’objectif de l’étude était de comprendre la corrélation entre l’obésité et  l’environnement bâti (notamment la capacité de marcher dans la ville), le statut socio-économique, l’activité physique, et la qualité de l’alimentation.

Beersheva, la ville où les enfants sont le plus en surpoids

L’Indice de masse corporelle (BMI) a été utilisé pour définir le poids de chaque participant , indique Baron-Epel,  soulignant que cette étude est fiable et basée sur des critères objectifs et vérifiables.

Le pourcentage d’enfants en surpoids (IMC de  25 à 30) et d’obèses (IMC de 30 et plus) était de  29,2% à Beer Sheva, 22,5% à Haïfa, et 23,9% à Rishon LeZion.  

Quand on distingue entre garçons et filles il apparaît que les garçons ont un taux d’obésité significativement plus important que les filles à Haïfa et à  Rishon LeZion.   Même constatation à Beersheva mais la différence y est  moins marquée.

En étudiant ces trois villes, Beersheva est celle dont le niveau socio-économique de ses habitants est le plus bas et celle où l’on recense aussi le plus grand nombre d’obèses. En détaillant encore davantage il apparaît que les enfants qui vivent dans les  zones les moins “piétonnes” de la ville souffrent le plus de surpoids.

Le niveau socio économique des habitants à Rishon LeZion et à Haïfa est plus élevé qu’à Beersheva et dans ces deux cas les cas d’obésité sont avant tout dépendants des habitudes alimentaires développées à la maison, de l’éducation,  du style de vie et non pas  des caractéristiques de l’environnement bâti ou du fait qu’il existe davantage de zones piétonnes ou cyclables.

Dans tous les cas de figure plus l’enfant est sédentaire plus le risque qu’il soit en surpoids est élevé.  Pour autant dans aucun des trois cas étudiés il n’a pu être établi de corrélation scientifique et  directe entre l’obésité et l’environnement bâti. L’incidence s’explique  avant tout par le style de vie. La piétonisation ou non de la ville n’a en fait pas d’effet significatif sur l’obésité en Israël.

La malbouffe fait des ravages partout dans le monde

“A partir de toutes les recherches menées dans le monde nous espérions identifier  un lien  entre l’environnement bâti,  la présence de zones piétonnes ou cyclables et l’offre d’activités physiques  et l’obésité .  On pouvait s’attendre à un moindre surpoids quand  les jeunes  sont plus actifs. Nous n’avons pas pu trouver de corrélation avec la marche à pied sauf à Beersheva mais de manière limitée”, résume Orna Baron-Epel.

De manière générale de très nombreux facteurs influent sur  la prise de poids dont le statut socio-économique. L’obésité est un sujet de santé publique grave car laisser développer un surpoids  conduit à des maladies chroniques comme le diabète et à des affections cardiaques.

Un récent rapport de l’OMS dénonce les changements sociétaux et  les mutations du système alimentaire mondial. Partout sur la planète, on a désormais plus facilement accès aux aliments et boissons ultra transformés, riche en sucres, en graisses ou en sel.

“La disparition progressive des endroits où on vend des aliments frais, l’augmentation des supermarchés et le contrôle de la chaîne alimentaire par des multinationales dans de nombreux pays” créent de cas d’obésité soulignent les auteurs du rapport. Cela se combine avec une baisse de l’activité physique dans les pays en développement, due à l’amélioration du niveau de vie.

Et parfois, un même enfant peut être à la fois obèse et en retard de croissance, en raison d’une alimentation trop riche en calories mais pauvre en nutriments.

L’obésité doit être prévenue dès le plus jeune âge car on constate qu’il est très  difficile de perdre du poids en tant qu’adulte après avoir été en surpoids à l’adolescence ou pendant l’enfance. L’obésité de l’enfant se prolonge  généralement à l’âge adulte et ne se contente pas de faire des dommages physiques mais aussi des dommages psychologiques dont des dépressions, une perte d’estime. Le niveau d’éducation des personnes obèses est souvent moindre car déconsidérées par leur aspect physique ces personnes  hésitent à se lancer dans des études longues.

Même si les liens ne sont pas formellement établis, les pouvoirs publics, grâce  à des planifications urbaines adaptées, peuvent et doivent contribuer à réduire le  risque de surpoids en intégrant des pistes cyclables, en développant les zones piétonnes, les espaces verts.

 En Israël des efforts ont été menés pour créer des sentiers balisés pour les marcheurs  avec des fontaines d’eau, des terrains de jeu,  des aires d’activité physique… Et ces mesures sont particulièrement importantes dans les zones périphériques des grandes villes, ajoute le prof. Baron-Epel.

“Il y a tant de critères qui affectent l’obésité et nous sommes loin de tous les connaître. Etudier trois villes n’est pas suffisant et pour lutter contre ce phénomène nous devons continuer à faire des recherches, à mener  des enquêtes dans d’autres villes, sur toutes les catégories de  population”, ajoute-t-elle.

Un vaste chantier…

Publication sur NCBI le 6 mai 2019

Auteur : Sarah Vorsanger pour ZAVIT – Agence de presse israélienne pour la science et l’environnement

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