Université de Tel-Aviv : les martinets du Mur des Lamentations sont perturbés par la pollution lumineuse

Martinets du Kotel : photo matérialisant le circuit exact de milliers d’oiseaux, à la lumière du jour. Pour la réaliser, des milliers de photographies à haute résolution ont été combinées en une seule photo avec un algorithme (Crédit : Lothar Schifler) Martinets du Kotel : photo matérialisant le circuit exact de milliers d’oiseaux, à la lumière du jour. Pour la réaliser, des milliers de photographies à haute résolution ont été combinées en une seule photo avec un algorithme (Crédit : Lothar Schifler)

Une étude du Prof. Noga Kronfeld-Shor et du Dr. Eran Amichai du Département de zoologie de l’Université de Tel-Aviv, révélant que les martinets noirs qui nichent entre les pierres du Mur des Lamentations (Kotel) sont actifs 24 heures sur 24 en raison de la puissance de l’éclairage sur le site, a été incluse dans la liste des 100 études les plus téléchargées sur Internet en 2019, sur 19 871 articles scientifiques publiés.

L’article, publié en juillet 2019, a été téléchargé 14944 fois au cours de l’année et a franchi le seuil des 15000. Il occupe actuellement la 58e place sur la liste et continue de grimper. Dans la lettre d’accompagnement adressée aux chercheurs, le rédacteur en chef de la revue a déclaré : « Il s’agit d’une performance extraordinaire […] un travail scientifique d’une réelle valeur pour la communauté des chercheurs ».

Selon le Prof. Kronfeld-Schor, tout a commencé lorsqu’un étudiant du laboratoire en visite au Mur occidental a remarqué que le système d’éclairage avait été remplacé, le nouveau système fonctionnant à une intensité lumineuse très élevée de 120 lux (unité de mesure du flux lumineux) tout au long de la nuit. Le Dr. Eran Amichai, également chercheur au laboratoire, a alors contacté le rabbin du Mur qui l’a autorisé à enquêter sur l’effet de cette lumière sur les martinets noirs qui construisent leurs nids sur place.

Actifs toute la nuit

«Le martinet noir est un oiseau qui vient chaque année en février pour nidifier en Israël», explique le Prof. Kronfeld-Schor, qui étudie l’horloge biologique chez différents types d’animaux. « Les martinets construisent leurs nids dans les crevasses des murailles et des falaises, et ont même trouvé un nouvel habitat dans les murs des nouvelles tours élevées construites par l’homme. Pendant la saison de reproduction, ils sont généralement actifs en journée où ils chassent les insectes volants dont ils nourrissent leurs oisillons. La nuit, ils retournent au nid, couvent leurs œufs ou réchauffent les poussins après l’éclosion. Le Mur occidental leur offre de nombreuses cavités propices à la nidification, et abrite une importante colonie de ces oiseaux. Dans notre étude, nous avons cherché à déterminer si la forte illumination du Mur tout au long de la nuit affectait leur activité routinière ».

Pendant deux semaines en mai 2019, le Dr. Amichai a enregistré les voix typiques que font entendre les martinets au réveil, sur quatre sites de nidification différents : au Mur des Lamentations, à l’Université Bar-Ilan, à Tel-Aviv et sur les falaises du désert de Judée. En parallèle, les chercheurs ont mesuré le niveau d’éclairage nocturne sur ces différents sites, qui est de 120 lux au Mur, 4 lux à Bar-Ilan, 1 lux à Tel-Aviv et 0,005 lux dans le désert. « Nous avons constaté que dans le désert, à l’état sauvage, les martinets se réveillaient au lever du soleil et arrêtaient leur activité au coucher du soleil. À Tel-Aviv et à Bar-Ilan, ils disparaissent peu après le coucher du soleil. Par contre, au Mur occidental ils sont actifs toute la nuit ».

Un problème environnemental majeur

Un autre aspect de l’étude a consisté à vérifier le régime alimentaire des martinets. « Pendant la journée, ils se nourrissent d’insectes volants actifs le jour », explique le Prof. Kronfeld-Schor. « Nous voulions savoir si la nuit, ils chassaient également les papillons de nuit, qui sont attirées par la lumière et sont généralement chassés par les chauves-souris. Un examen des crottes des martinets au Mur occidental a révélé qu’ils contenaient effectivement des écailles de papillons ».

Noga Kronfeld Schor

Prof. Noga Kronfeld-Schor (Crédit: Eric Sultan)

Selon les chercheurs, ces résultats indiquent que la pollution lumineuse a un effet capital sur les oiseaux exposés à la lumière artificielle la nuit et sur leur habitat. « Ces effets peuvent être à la fois négatifs et positifs, et pour la plupart, ils ne peuvent pas être anticipés », explique le Prof. Kronfeld-Schor. « Par exemple, il y a des endroits où les papillons de nuit sont d’importants pollinisateurs de certaines plantes, et les dommages qui leurs sont causés peuvent également nuire à la pollinisation. D’un autre côté, pour les martinets les papillons de nuit constituent une source alimentaire de qualité, qui peut leur permettre de prospérer, et même d’accélérer la croissance des poussins. Cependant, ils est possible que les oiseaux absents du nid la nuit ne couvent pas leurs oeufs et ne réchauffent pas leurs poussins de manière optimale, ce qui peut également avoir des conséquences. De plus, les chauves-souris insectivores peuvent être affectées par cette nouvelle concurrence pour la recherche de leur nourriture, et il existe également des preuves que l’exposition à la lumière la nuit cause des dommages cumulatifs et même des maladies ». D’après les chercheurs, cette étude n’est donc en fait qu’un début, car elle soulève un large éventail de questions et de sujets intrigants qui nécessitent des recherches supplémentaires, « ce qui explique peut-être pourquoi elle a attiré l’attention de tant de scientifiques du monde entier », ajoutent-ils.

« Nous pensons que cet article a suscité un tel intérêt parce qu’il traite d’un problème environnemental majeur qui a fait l’objet de nombreuses recherches ces dernières années : l’impact de la pollution lumineuse sur les animaux », conclut le Prof. Kronfeld-Schor. « Le sujet de l’étude, l’effet de l’éclairage puissant du Mur des Lamentations sur les martinets noirs qui se nichent entre ses pierres, porte sur le cas extrême d’une forte lumière présente tout au long de la nuit, produisant un résultat sans équivoque qu’il est difficile d’obtenir dans la plupart des recherches dans ce domaine ».

Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter des Amis français de l’Université de Tel Aviv

Publication dans Nature juillet 2019

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