(Français) “Le télescope James Webb révolutionne l’étude de la création de l’univers”, Pr Noah Dana-Picard, Jerusalem College of Technology

A g. photo du télescope James Webb (Nasa), à d. Pr Noah Dana-Picard (photo Y. Koletker pour le JCT) A g. photo du télescope James Webb (Nasa), à d. Pr Noah Dana-Picard (photo Y. Koletker pour le JCT)

Sorry, this entry is only available in French. For the sake of viewer convenience, the content is shown below in the alternative language. You may click the link to switch the active language.

Le Professeur Noah Dana-Picard directeur de la chaire de Mathématiques éducation et judaïsme au Jerusalem College of Technology, explique que les découvertes du télescope spatial à infrarouges James Webb nous rapprochent de D.ieu dans ce monde, et sont une contribution majeure aux avancées scientifiques. Les sages disent « quiconque a la capacité d’étudier les mathématiques et l’astronomie doit le faire, sinon cela signifie qu’on méprise la Création de D.ieu » (hiloul achem). Le Pr Dana-Picard souligne “qu’il n’y a pas de contradiction sur l’âge de l’univers entre la science et la tradition juive”.

Récemment, le monde, en collaboration avec la NASA, a célébré la publication des premières images de l’univers produites par le nouveau télescope spatial James Webb. Ces images sont d’une beauté impressionnante. Ce dispositif très complexe capte des ondes électromagnétiques à certaines fréquences appelées « rayonnement infrarouge ». Il n’existe pas de différence essentielle entre ces ondes et la lumière visible, seulement une différence dans la fréquence de l’onde. Les yeux humains ne voient pas l’infrarouge. Ces ondes se propagent sur une large gamme de fréquences et le télescope JW les détecte. Les images sont en fait une traduction d’éléments que l’œil humain ne peut pas voir, dans un langage de couleurs que nous pouvons voir.

La génération des smartphones capture une image immédiatement avec notre appareil photo personnel. Ce n’est pas le cas pour JW. La première image est le résultat de plus de 12 heures d’observation. Cela vous semble-t-il beaucoup ? Le prédécesseur de JW, le télescope spatial Hubble, avait besoin de journées entières pour une image similaire. Les données sont capturées numériquement et doivent être traitées. Les images Hubble sont très impressionnantes et ne doivent pas être sous-estimées, même s’il existe désormais un appareil plus performant. Hubble a permis de formidables découvertes de l’univers lointain et sa contribution à la recherche est immense. Le miroir principal de JW est donc beaucoup plus sa résolution, c’est-à-dire que la netteté de l’image résultante est plus élevée.

La vitesse de la lumière est finie, environ 300.000 km par seconde dans le vide.

Photo du télescope James Webb (Nasa)

Photo du télescope James Webb (Nasa)

Par conséquent, voir loin dans l’univers signifie voir loin dans le passé. L’une des attentes de JW concerne les découvertes sur la structure de l’univers au cours du premier milliard d’années, juste après le Big Bang, une période à laquelle nous n’avons jusqu’à présent pas eu beaucoup d’accès.

Selon la relativité générale et l’une de ses conséquences, appelée la théorie du Big Bang, le monde a été créé il y a environ 13,6 milliards d’années. JW permettra d’explorer l’univers moins d’un milliard d’années après le Big Bang et de comprendre comment les galaxies se sont formées en si peu de temps.

Le nouveau télescope devrait aussi aider à étudier les trous noirs et fournir des informations sur la formation des premiers trous noirs. Qu’il s’agisse de trous noirs de masse stellaire (de l’ordre d’un certain nombre de masses solaires) et ou de trous noirs supermassifs, des géants de plusieurs millions de masses solaires, situés au centre des galaxies.

Les trous noirs sont en fait des corps si massifs que leur champ gravitationnel ne permet à presque rien, même à la lumière (à l’exception d’un rayonnement particulier appelé rayonnement de Hawking) d’en sortir au-delà d’une certaine surface appelée « horizon des événements ».

JW est également censé aider à étudier la masse manquante dans l’univers visible, à comprendre certains phénomènes : pourquoi l’expansion de l’univers s’accélère, quelle est l’essence de la matière noire et de l’énergie noire. A noter : il est intéressant de voir que la recherche astrophysique rejoint l’étude des particules sub-nucléaires (comme au CERN), les deux infinis opposés.

Face à cela, la question de la foi se pose : comment peut-on parler d’un Univers âgé de 13,6 milliards d’années, alors que les Sages disent (Sanhédrin 97a) que l’Univers a six mille ans ? Certains Sages ont donné des réponses. Ils expliquent que des milliards d’années ont précédé le moment où la Torah commence à parler, lorsque l’homme est apparu « parce que c’est la doctrine de l’homme ». On pourrait appeler cela une explication « horizontale ».

Rav Yitshak Ginsburgh

Rav Yitshak Ginsburgh

J’ai lu dans un article du rabbin Yitzchak Ginzburgh une explication « verticale ». Tout dépend de la façon dont vous regardez le monde. Si vous regardez à travers le monde du « faire » (‘Olam Ha’assiyah), le monde a 13,8 milliards d’années.

Si vous regardez à travers le prisme supérieur du ‘Olam HaYetsira, le monde a 6000 ans. Vu à travers le ‘Olam Haberia (le monde de la Création), le monde est créé maintenant, au présent.

En fait, nous disons ceci tous les jours dans la prière du matin : D.ieu crée la lumière et crée les ténèbres, au temps présent. Il fait tout maintenant. Et si l’on regarde le monde à travers le ‘Olam Ha-atsilout (celui de la Présence Divine), alors le temps n’existe pas. Comme pour les photons. C’est le sens du verset « mille ans sont à tes yeux comme la journée d’hier quand elle est passée » (Psaumes 90, 4). Souvent, les nombres dans les versets en viennent à exprimer une idée suprême, telle que l’infini. D.ieu lit les générations à l’avance.

D’où une autre note. La lumière a une structure ondulatoire (comme mentionné ci-dessus) ;  elle a également une structure corpusculaire (des particules).

Ce sujet de recherche a trouvé sa solution il y a environ 150 ans. La particule de lumière s’appelle un photon. Un photon n’a aucune idée du temps. Il n’y a pas de lieu (et de temps) ici pour décrire le rapport de la relativité au temps, mais c’est un de ses principes. Le photon n’a pas de temps et dans ‘Olam Ha-atsilout, il n’y a pas de temps. Tout est dévoilé et clair devant le Maitre du monde. Le Nom Ineffable, le Tétragramme, contient en 4 lettres le passé, le présent et le futur.

Pr Noah Dana-Picard, crédit photo Y. Koletker pour le JCT

Pr Noah Dana-Picard, crédit photo Y. Koletker pour le JCT

Le Midrash dit que D.ieu a caché la lumière des jours de la Genèse et qu’il la révélera aux Justes à la fin des temps. Aujourd’hui, notre connaissance de l’univers passe par la lumière, car l’astronomie est une science de l’observation. La lumière visible est constituée d’ondes électromagnétiques à certaines fréquences mais les autres fréquences, infrarouges, rayons X, rayons ultraviolets, rayons gamma, ne sont pas moins de la lumière. Les savants analysent la lumière qui nous provient des planètes, d’étoiles proches ou très lointaines, des galaxies de plus en plus lointaines. Cette analyse révèle la composition chimique des étoiles et des galaxies, et aussi révèle la présence de matière (et sa nature) entre elles et nous. Lentement, l’humanité découvre l’univers à travers des rayonnements à de nouvelles fréquences. Le télescope James Webb, comme ses prédécesseurs Spitzer, Hubble, permet de réelles avancées.

La NASA a déjà publié des images obtenues à partir de traitements de données à différentes fréquences, proche infrarouge, moyen infrarouge… De nouvelles choses sont constamment découvertes grâce à de nouveaux détecteurs, de nouvelles technologies. Peut-être sommes-nous une génération de justes à qui la lumière ancienne se révèle et permet de voir loin dans le passé. Tout cela est possible grâce au travail de scientifiques et d’ingénieurs très pointus.

C’est une formidable collaboration entre l’homme et le Créateur, car la sagesse des scientifiques fait partie de la sagesse du Créateur. Lorsque nous voyons un grand savant, quel qu’en soit le domaine scientifique, nous bénissons D.ieu,  « qui a partagé Sa Sagesse avec Ses serviteurs ». Pour un savant non Juif, la bénédiction est “qui a donné de Sa Sagesse à des hommes”. Quoi qu’il en soit, cela fait partie de la sagesse du Créateur. L’observation de ces révélations renforce la foi en D.ieu et plus encore.

Les Sages disent (Shabbat 5 : 1) : Rabbi Shimon ben Pazi a dit au nom de  Rabbi Yehoshua ben Levi qui l’a rapporté au nom  de Bar Kapara : quiconque sait calculer calendriers et mouvements des astres et ne le fait pas, à son sujet l’Écriture dit (Isaïe 5:12) : Il ne regardera pas l’œuvre de D.ieu et ne verra pas l’œuvre de Ses mains.

En clair, ces sages disent que quiconque a la capacité d’étudier les mathématiques et l’astronomie doit le faire, sinon cela ressemble à du mépris pour la Création de Dieu (Hiloul Achem). Tout comme Maïmonide stipule que quiconque peut être médecin doit être médecin.

Mais les Sages vont encore plus loin (ibid.) : Rav Shmuel Bar Nachmani dit au nom de Rabbi Yonatan : d’où sait-on qu’il est ordonné à l’homme de calculer les computs (ensemble des calculs visant à l’établissement du calendrier des fêtes mobiles) et mouvements des astres ? Du verset  (Deutéronome 4 : 6) Observez-les et pratiquez-les ! Ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples Quelle est cette sagesse ? Les mathématiques et l’astronomie ! Il ne s’agit plus de savoir si une personne en particulier a la capacité ou non d’étudier ces domaines, car pour une mitsva, on doit faire des efforts ! Ici, des efforts sont nécessaires pour explorer et découvrir des révélations dans le monde de D.ieu.

Nous terminerons par les paroles de Rabbi Zvi Elimelech Shapira de Dinov (auteur du livre Bnei Issachar) dans son livre Derech Pikudedkha (Mitsva Asse 4, par. 12)[1]. Heureux celui qui a pu dans son enfance apprendre toute la merveilleuse sagesse du mouvement des  constellations et des calculs de calendrier, ainsi que la sanctification du mois (Roch ‘Hodesh) d’après Maïmonide, le livre Tekhounot Hachamayim[2] et le livre Ne’hmad Venaïm[3], parce que c’est une grande mitsva. Mais celui qui n’a pas appris dans son enfance ne peut pas passer autant de temps sur ces questions, c’est une science très délicate et minutieuse. Il lui suffira de savoir calculer les mois, comme nous l’avons écrit. Mais de temps en temps, il étudiera cette science en fonction de ses possibilités, il comprendra ce qu’il pourra comprendre. Et cela sera considéré comme accomplissement d’une mitsva.

Dans notre génération, cela devient de plus en plus accessible, grâce aux scientifiques et aux ingénieurs. Les différents media permettent d’accéder à la connaissance et à la compréhension du monde que D.ieu a créé et qu’Il crée constamment.

Nous devons en profiter. Merci au Créateur pour un monde si fascinant.

Pr Noah Dana-Picard (JCT), avec la collaboration d’Esther Amar pour Israël Science Info

[1] Traduction par l’auteur de ces lignes.

[2] Livre d’astronomie, du Rav Refael Halvi de Hannovre, Amsterdam 1756

[3] Livre d’astronomie de R. David Gans, élève du Maharal de Prague et assistant de Tycho Brahe, Jesnitz 1743

Israël Science Info