(Français) Tel-Aviv et sa côte, victimes de l’addiction d’Israël au plastique

Un employé de la municipalité de Herzliya (Israël) collecte des déchets sur la plage, le 21 juin 2019
© AFP JACK GUEZ Un employé de la municipalité de Herzliya (Israël) collecte des déchets sur la plage, le 21 juin 2019 © AFP JACK GUEZ

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Tel-Aviv (AFP) – La mer, la plage, la fête, la liberté… Tel-Aviv a des airs de paradis perdu au Moyen-Orient, mais chaque matin Yosef Salman et son équipe y découvrent une tout autre réalité : emballages, bouteilles et sacs plastiques laissés par les baigneurs ou recrachés par la Méditerranée.

Ce matin-là, sous une chaleur moite, les oreilles bercées par le doux roulis des vagues, Yosef et sa petite équipe parcourent la plage avec de grands râteaux qui aplatissent le sable et trient les détritus. Chapelets de verres en plastique, tapis de mégots de cigarettes, tubes de crème solaire et couches pour bébés…

« Chaque année, nous ramassons 1600 tonnes de déchets » sur les plages de Tel-Aviv dont 40% de plastique, explique Yosef, responsable du nettoyage des trois plus grandes plages de cette agglomération de près de quatre millions d’habitants.

A ces déchets s’ajoutent les micro-plastiques, des débris plastiques décomposés qui s’éparpillent dans le sable. Mais à ce stade, c’est trop tard : impossible de les ramasser efficacement. « Quand il pleut en Israël (…) on peut voir des tonnes de micro-plastiques dans le sable », assure Ariel Shay du mouvement Plastic Free Israel qui organise des nettoyages de plages.

Malgré la présence de nombre d’organisations écologistes dans le pays et des mesures pour limiter la distribution des sacs et sachets dans les grandes surfaces, Israël reste accro au plastique.

En juin, l’organisation environnementale WWF a publié un rapport classant les côtes israéliennes comme les troisièmes plus polluées par les déchets plastiques en Méditerranée, derrière la Turquie et la côte de Barcelone (Espagne), mais devant celles de Valence (Espagne), Alexandrie (Egypte), Alger et Marseille (France).

« A chaque fois que je vais sur la plage maintenant, je passe mon temps à nettoyer, c’est horrible ! », se plaint Shani Zylbersztejn, un œil sur sa fille de neuf mois qui joue avec une fourchette en plastique fraîchement déterrée.

Changer les mentalités

Au nord de Tel-Aviv, Limor Gorelik et sa collègue Dana Atias de l’ONG Zalul, sillonnent les plages huppées de Herzliya, invitant les flâneurs à troquer les plastiques à usage unique pour des verres en bambou et des sacs réutilisables.

C’est que l’habitude d’apporter des couverts jetables pour les pique-niques en famille sur la plage a la vie dure, notamment pour des raisons religieuses. Le samedi, jour de shabbat, les juifs religieux ne travaillent pas du tout, et « comme ils n’ont pas le droit de nettoyer la vaisselle, ils utilisent du plastique » jetable, remarque Limor Gorelik. Même jetés dans l’une des poubelles qui parsèment les plages, les déchets plastiques peuvent finir dans la mer, emportés par le vent ou les oiseaux qui éventrent les sacs à la recherche de nourriture.

Galia Pasternak

Galia Pasternak

Galia Pasternak a mené une thèse de doctorat à l’université de Haïfa (nord) sur la pollution des côtes israéliennes. Selon ses données, 60% des déchets sur la plage proviennent des baigneurs eux-mêmes. Seule une minorité est charriée par les courants depuis l’Egypte au sud ou le Liban au nord.

Esther Amar, fondatrice de Israël Science Info et Vice-présidente de l’AJE, ajoute : dans son étude Story of floating plastic in eastern Mediterranean sea, Galia Pasternak et son équipe expliquent que La mer Méditerranée est un bassin fermé dont les échanges d’eau par le détroit de Gibraltar sont limités. Les sites situés le long de ses rives présentent la plus grande densité de débris marins au monde. Les bouteilles en plastique, qui suscitent de plus en plus d’inquiétudes en raison de la consommation élevée de boissons non alcoolisées et d’eau en bouteille, constituent la majeure partie des débris marins flottants. Dans cette étude, nous présentons les mécanismes de transport des débris marins flottants à destination et en provenance de la côte israélienne à l’aide d’une libération expérimentale en mer et de la récupération de bouteilles en plastique, avec la participation des citoyens. De nombreuses bouteilles rejetées près de la plage, dans le sud d’Israël, sont revenues sur le rivage très près du point de rejet. Certains lieux de rejet n’ont pas vu de retour de bouteilles. Dix bouteilles, relâchées de trois endroits, ont été retrouvées à plusieurs dizaines voire à des centaines de kilomètres du point de rejet. Comme la majeure partie de l’eau qui coule vers l’ouest à l’est de la Méditerranée est souterraine, il n’était pas surprenant de trouver nos débris flottants uniquement à l’est. Cela fait du bassin du Levant, à l’est de la Méditerranée, une zone de collecte des débris flottants”.

Nettoyage et obligation de résultats

L’AFP précise qu’en 2005, le ministère de l’Environnement a lancé un programme original : il paie le nettoyage des plages aux municipalités mais exige en retour des résultats concrets. Des contrôles stricts sont effectués régulièrement et les villes défaillantes voient leurs subventions réduites, voire supprimées, explique Ran Amir, directeur de la division de l’environnement marin et des côtes au ministère de l’Environnement.

Le ministère a même traîné en justice certaines municipalités récalcitrantes. La plage de Palmahim, très prisée des Israéliens, a ainsi écopé d’une amende avant de prendre le pli. « C’est l’une des plages les plus propres d’Israël aujourd’hui », se félicite Ran Amir. Il énumère les différentes stratégies mises en place par le ministère ces dernières années : spots publicitaires à la radio et clips sur internet, amendes, mais aussi recyclage, éducation et mesures de prévention…

« Je pense que cela a en partie fonctionné », reconnaît Galia Pasternak, qui a participé à la mise en place de certains des programmes.

Mais pour Limor Gorelik, Israël est encore à la traîne. Elle prend l’exemple des sachets plastiques, taxés dans les grands magasins depuis 2017 : « 10 agourot (10 centimes de shekels, soit deux centimes d’euros), ce n’est pas assez », estime la militante écologique, déçue que les petites épiceries échappent encore à cette loi. « La directive pour mettre fin aux plastiques à usage unique ? Ici, nous en sommes très loin ». Le ministère assure que c’est pourtant sa prochaine bataille, mais tout est bloqué dans l’attente des législatives du 17 septembre.

© AFP via goodplanet.info

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