Technion (Israël) : une expérience accrédite la théorie de Stephen Hawking sur les trous noirs. Vidéo

Jeff Steinhauer dans son laboratoire à côté de l'expérience qu'il a menée sur le rayonnement de Hawking. © Nitzan Zohar Jeff Steinhauer dans son laboratoire à côté de l'expérience qu'il a menée sur le rayonnement de Hawking. © Nitzan Zohar

On n’a malheureusement toujours pas découvert de trous noirs en train de s’évaporer par rayonnement de Hawking. Toutefois, les raisonnements et calculs conduisant à prédire ce phénomène viennent d’être testés dans un laboratoire du Technion en Israël avec un système physique qui l’imite : un trou noir acoustique.

Il semble que l’expérience la plus solide et la plus précise à ce jour, que l’on peut donc considérer comme la première observation de l’équivalent du rayonnement de Hawking en laboratoire, ait finalement été réalisée avec succès par le physicien israélien Jeff Steinhauer, du Technion (Israël).

Le chercheur a produit un trou noir acoustique dans un condensat de Bose-Einstein formé d’atomes de rubidium ultra-froid. Pourquoi ne pas avoir choisi un fluide conventionnel ? Parce que les fluctuations thermiques dans un tel fluide dégraderaient tellement l’éventuelle émission de rayonnement de Hawking d’un trou noir acoustique que l’on ne pourrait démontrer facilement sa présence. Il faut en effet obtenir un rayonnement de corps noir presque parfait et aussi pouvoir démontrer que les phonons émis par le trou noir sont intriqués avec d’autres phonons qui ont été absorbés par le trou noir acoustique au cours du même processus.

Jeff Steinhauer pense donc être arrivé à atteindre ces deux buts. S’il a raison, cela ne prouve toujours pas que de vrais trous noirs puissent s’évaporer par rayonnement de Hawking mais cela accrédite l’idée qu’il n’y a pas d’erreurs de raisonnement dans la dérivation de ce phénomène à partir des lois de la mécanique quantique, de la relativité générale et de la thermodynamique.

Une révolution pourrait émerger

La révolution de la physique quantique s’est produite quand les physiciens ont étudié en profondeur les interactions entre matière et rayonnement, à la croisée de la théorie du champ électromagnétique de Maxwell et de la thermodynamique statistique de Boltzmann et Gibbs, toutes deux appliquées aux atomes.

Une révolution similaire pourrait émerger lorsque l’Homme aura compris en profondeur l’émission par les trous noirs du rayonnement que Stephen Hawking a découvert théoriquement en 1974. Ce dernier essayait alors de démontrer que Jacob Bekenstein se trompait lourdement en affirmant que l’on pouvait associer une entropie à un trou noir.

Rappelons qu’un trou noir n’est pas défini par l’existence d’une singularité mais par celle d’un horizon entourant une région de l’espace et l’isolant complètement de toute communication vers l’extérieur (un signal quittant cette région devrait dépasser la vitesse de la lumière). Il est donc noir car la matière qui y pénètre ne peut plus envoyer du rayonnement en-dehors de l’horizon. Or, selon les lois de la thermodynamique, un système physique qui possède une entropie, qui est une mesure du désordre de ce système, ou encore de l’information qu’il dissimule, doit posséder une température et donc rayonner.

L’évaporation des trous noirs, la clé du Big Bang

Comme allait le démontrer Hawking, ce rayonnement est celui d’un corps noir parfait et il conduit à l’évaporation d’un trou noir, ce qui montre qu’en fait Bekenstein avait raison. Cela pose le difficile problème du paradoxe de l’information ainsi que celui du pare-feu. Une théorie quantique de la gravitation devrait les résoudre et nous dire ce que devient finalement l’information tombée dans un trou noir avec la matière et la lumière qu’il peut avoir absorbées au cours de sa vie. Nous devrions alors mieux comprendre comment est né l’univers.

Toutefois, personne n’a encore jamais vu de trou noir en train de s’évaporer. Les trous noirs de masses supérieures à celle du Soleil sont certes trop froids pour produire du rayonnement mais on espérait bien détecter des minitrous noirs produits pendant le Big Bang ou dans les collisions au LHC. Alors, pourquoi les chercheurs n’ont-ils jamais observé un tel phénomène ? Peut-être parce que les trous noirs ne rayonnent pas et que Hawking s’est trompé… En tout état de cause, ses calculs sont muets sur l’état final de l’évaporation d’un trou noir.

Il existe cependant une stratégie pour tester la validité de ces calculs jusqu’à un certain point et, peut-être, découvrir des indices supplémentaires pour construire une théorie de la gravitation quantique. Cette stratégie a été proposée il y a longtemps déjà par William Unruh. En 1981, celui-ci démontrait qu’un écoulement supersonique pouvait, en théorie, reproduire l’analogue de l’horizon d’un trou noir et qu’une sorte de rayonnement de Hawking en découlerait sous forme de quanta d’ondes sonores.

Des trous noirs acoustiques pour tester l’effet Hawking

En effet, dans l’écoulement supersonique produit dans une tuyère, il peut exister une région du fluide de laquelle aucune onde sonore ne peut sortir, précisément à cause de la vitesse supersonique des écoulements. En considérant la vitesse du son comme un analogue de la vitesse de la lumière, on obtient des conditions physiques qui ressemblent à celles d’un trou noir.

On peut appliquer à l’équation du son dans ce fluide les règles de la mécanique quantique ; c’est aussi le cas pour l’équation de la lumière, qui lui ressemble beaucoup. Il apparaît alors des quanta d’énergie sonique analogues aux quanta de lumière que sont les photons. Comme il s’agit ici de son, on parlera tout naturellement de phonons et, au lieu d’avoir un trou noir, on aura un trou acoustique (on parle aussi de trou noir muet, dumb hole en anglais), susceptible d’émettre un rayonnement sonique de corps noir.

À défaut de vraiment produire un trou noir en laboratoire, on obtient donc un système physique dont la description mathématique se fait avec des équations analogues à celles décrivant un trou noir et le rayonnement de Hawking.

Plusieurs équipes de chercheurs ont tenté d’abord de produire des trous noirs acoustiques, ou d’autres analogues dans des milieux optiques, puis d’observer un rayonnement de corps noir sous forme de photons.

Publication dans Nature Physics, 16 août 2106

Version préliminaire sur arXiv

Source futura-sciences.com, auteur Laurent Sacco

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