Université de Tel Aviv, UHJ, Ichilov : un nano-capteur pour illuminer et retirer les métastases

Rachel Blau, Yana Epshtein et Evgeni Pisarevsky, doctorants au laboratoire du Prof. Ronit Satchi-Fainaro à l’Université de Tel-Aviv, ont développé un capteur intelligent à l’échelle nanométrique qui allume une lumière fluorescente en présence de cellules cancéreuses, avec un niveau de précision sans précédent.

Cette étude a été financée par l’Union européenne (ERC), la Fondation nationale des Sciences d’Israël, le ministère des Sciences et l’Association pour la lutte contre le cancer.

Ce capteur innovant permet de retirer la tumeur dans son intégralité avec un minimum de dommages pour les tissus sains, et sans laisser de cellules malignes susceptibles de métastaser, augmentant ainsi de le pourcentage de survie et les chances de guérison des patients.

Ont également participé le Prof. Doron Shabat de l’École de chimie de l’Université de Tel-Aviv et le Prof. Galia Blum de la Faculté de médecine de l’Université Hébraïque de Jérusalem (UHJ), le Prof. Zvi Ram et le Dr. Rachel Grossman du département de neurochirurgie de l’hôpital Ichilov de Tel-Aviv (Sourasky Medical center).

Yana Epshtein (à g.) et Rachel Blau

Yana Epshtein (à g.) et Rachel Blau

« Nous nous sommes basés sur une étude antérieure, dans laquelle nous avions découvert que certaines tumeurs se caractérisaient par une augmentation de l’expression d’enzymes appelées cathepsines », explique le Prof. Satchi-Fainaro. « Ces enzymes, que l’on retrouve en quantité bien moindre également dans les cellules saines ont la propriété d’identifier et de couper une séquence particulière d’acides aminés (qui sont les blocs de construction des protéines). Nous avons utilisé cette fonctionnalité pour construire un capteur intelligent qui identifie et marque les cellules cancéreuses. »

Des chances de survie doublées

Comment ça marche ? Les chercheurs ont produit des nanoparticules de polymère, constituées de la même séquence d’acides aminés que celle que les cathepsines savent couper. Ces particules ont été attachées à des marqueurs fluorescents faits de molécules de colorant cyanine (Cy). « Lorsque les molécules de cyanine sont maintenues ensemble dans la particule de polymère, les ondes lumineuses qu’elles émettent s’annulent mutuellement, et elles restent sombres », explique le Prof. Satchi-Fainaro.

« Mais une fois que la nanoparticule atteint une cellule cancéreuse, le polymère est coupé par les cathepsines, libérant les molécules de cyanine, qui deviennent fortement fluorescentes. En revanche, dans le tissu sain environnant, le polymère n’est pas coupé, et la zone reste sombre. La frontière entre la zone éclairée (tumeur) et la sombre (cellules saines) est donc très clairement visible pour l’œil ». Cela signifie que le capteur intelligent a une sensibilité élevée – il détecte toutes les cellules cancéreuses, et également une grande sélectivité – il ne marque pas les cellules saines. De cette façon, il informe le chirurgien de l’emplacement des cellules cancéreuses en temps réel, c’est-à-dire pendant la chirurgie elle-même, avec un niveau de sensibilité plus élevé que les dispositifs d’imagerie existant actuellement.

Prof. Ronit Satchi-Fainaro in her lab

Prof. Ronit Satchi-Fainaro, directrice du département de physiologie et pharmacologie de la faculté de médecine à l’Université de Tel-Aviv

En première étape, les chercheurs ont vérifié l’existence et la surexpression de l’enzyme qui fait fonctionner le capteur dans des tissus prélevés sur des patients en cours d’opération. Puis, ils ont vérifié leurs hypothèses sur des souris de laboratoire. Les résultats ont été probants : les opérations réalisées avec le nouveau capteur ont doublé les chances de survie à la maladie.

En outre, le nouveau dispositif a été comparé à deux capteurs actuellement en essais cliniques en salles d’opération. On a pu constater que ses niveaux de sensibilité et de sélectivité sont plus élevés, et qu’il s’allume beaucoup plus rapidement. Sur un plan pratique, cela signifie que le patient n’a pas besoin d’être hospitalisé la veille et qu’on peut lui injecter le capteur seulement 4 heures avant la chirurgie.

« Nous avons enregistré un certain nombre de brevets pour ce projet », conclut le Prof. Satchi-Fainaro, « et nous sommes à présent en train de négocier avec plusieurs sociétés pharmaceutiques afin de progresser vers des essais cliniques, et par la suite de fabriquer des quantités commerciales. Nous croyons que notre capteur intelligent peut conduire à une amélioration substantielle des résultats des opérations de retrait des tumeurs cancéreuses, et augmenter de manière significative les chances des patients de survivre à la maladie . »

Auteur : Sivan Cohen-Wiesenfeld, PhD, Rédac’chef de la newsletter Université de Tel-Aviv/AFAUTA

Publication dans Theranostics, le 21 juin 2018

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