Israël-Singapour : aspartame, acésulfame K, sucralose… toxiques pour notre microbiote

Sciences et Avenir. « Deux semaines de consommation d’édulcorants de synthèse ont suffi pour perturber les bactéries intestinales ». C’est la conclusion fracassante de recherches menées par des chercheurs de l’université Ben Gourion du Néguev (BGU) en Israël et à l’Université technologique de Nanyang à Singapour. Aspartame, sucralose, saccharine, néotame, advantame, acésulfame potassium (Ace-K), ces six édulcorants de synthèse à saveur sucrée intense (ou sucres artificiels) approuvés par la Food and Drug administration (FDA) américaine et l’Union européenne seraient toxiques pour notre microbiote intestinal (flore intestinale, ensemble des micro-organismes logés dans notre tube digestif).

Les édulcorants de synthèse sont des substituts aux sucres connus pour leur haut pouvoir sucrant, mais non nutritifs. On les retrouve en nombre dans les produits alimentaires et les boissons, sans qu’il y ait de consensus scientifique en ce qui concerne leurs conséquences sur la santé, faute d’études suffisantes. Un lien a cependant été établi entre la consommation d’édulcorants de synthèse et le développement de cancers, de troubles métaboliques comme le diabète de type 2, une prise de poids et une altération de l’activité du microbiote. Mais les mécanismes n’ont pas pour autant été élucidés.

C’est pourquoi les chercheurs israéliens et singapouriens ont mené une étude in vitro. Chacun des six édulcorants artificiels a été mis en présence de bactéries Escherichia coli, très communes dans le tube digestif, génétiquement modifiées pour émettre de la lumière en présence de substances toxiques. Les chercheurs ont ensuite mesuré les signaux luminescents produits et la croissance bactérienne. Résultats : des effets toxiques ont été constatés lorsque les bactéries ont été exposées à certaines concentrations d’édulcorants artificiels.

« C’est une preuve de plus que la consommation d’édulcorants artificiels affecte négativement l’activité du microbiote intestinal qui peut être à l’origine d’un large éventail de problèmes de santé », a déclaré le Pr Ariel Kushmaro, coauteur de l’étude.

NDLR ISI Mag : Le Pr Ariel Kushmaro a fait son doctorat à l’Université de Tel Aviv et son post-doctorat à Harvard aux Etats-Unis (Department of Organismic and Evolutionary Biology). Il mène ses travaux actuellement au sein de l’Université Ben Gourion du Néguev en Israël (Department of Biotechology Engineering).

Par ailleurs, dans une présentation orale faite lors du congrès de l’European Association for the Study of Diabetes (EASD) une équipe de chercheurs de la faculté de médecine de l’université d’Adélaïde (Australie) a raconté comment elle a observé d’autres conséquences d’une consommation d’édulcorants sur le microbiote. Les chercheurs ont réalisé l’expérience suivante : un groupe de 29 sujets non diabétiques d’une moyenne d’âge de 30 ans a été recruté. Quinze volontaires ont consommé un placebo, quatorze une combinaison de pilules contenant 92 mg de sucralose et 52 mg d’acésulfame potassium, soit l’équivalent d’une consommation quotidienne de 1,5 l de soda light pendant deux semaines! Des analyses de selles avant et après la prise de ce régime ont été réalisées, afin de déterminer quels genres et espèces de microorganismes étaient présents dans l’intestin.

Les résultats montrent que les individus du groupe “édulcorants” présentent une plus grande modification des bactéries présentes dans leurs fèces avec une réduction significative de celles genres Eubacterium et Cylindroides, associées à une bonne santé. Les populations des espèces bénéfiques (notamment celles qui permettent de faire fermenter les aliments dans le tube digestif) a diminué alors qu’a augmenté celles de onze genres bactériens opportunistes. De plus, les bactéries Butyrivibrio, associées au contrôle de la glycémie, étaient moins abondantes. Conclusion des auteurs : « Chez des sujets sains non diabétiques, deux semaines de consommation d’édulcorants de synthèse ont suffi pour perturber les bactéries intestinales et augmenter l’abondance de celles qui sont normalement absentes chez des individus en bonne santé ».  Cette présentation orale a été approuvée par le comité de lecture de l’EASD mais n’a pas encore été soumise à publication. Le manuscrit est en cours de finalisation.

Publication dans Molecules

Auteur : Elena Sander pour Sciences et Avenir

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