Weizmann (Israël) : les particules de l’atmosphère affectent en temps réel la formation des nuages

Pr Ilan Koren and Dr Orit Altaratz Pr Ilan Koren and Dr Orit Altaratz

Comment les nuages affectent-ils le climat ? Qu’est-ce qui détermine la structure des nuages bas qui refroidissent l’atmosphère, ou celle des nuages hauts qui capturent la chaleur provenant du bas ? Comment l’activité humaine change-t-elle les processus de la formation des nuages ? La recherche du Pr Ilan Koren montre que l’activité humaine pourrait pousser les nuages à élargir leur surface et à s’épaissir. Avec son équipe, il a analysé un type spécifique de formation de nuages. Les résultats, montrent qu’à l’époque préindustrielle, il y avait moins de couverture nuageuse qu’il y en a actuellement au-dessus des zones d’océans limpides.

Pour se former, les nuages ont besoin de minuscules particules, les aérosols, qui se trouvent en suspension dans l’atmosphère. Ces aérosols, qui peuvent être naturels comme le sel de mer et la poussière, ou artificiels comme la suie, forment des noyaux autour desquels les gouttelettes provenant des nuages se condensent. Dans des environnements relativement propres, les nuages ne peuvent pas dépasser la taille que leur permet la quantité d’aérosols dans l’atmosphère. En effet, ceux-ci sont le facteur qui limite la formation des nuages.

La question est : la quantité actuelle des aérosols dans l’atmosphère dépasse-t-elle déjà cette limite, et dans ce cas le fait d’ajouter encore quelques particules ne devrait pas avoir une influence importante sur la formation des nuages ? Ou les aérosols sont-ils restés le facteur limitant même avec l’augmentation de la pollution, et dans ce cas les aérosols qui s’ajoutent continueraient à avoir de l’influence sur les nuages ?

Un modèle développé par le Pr Koren et son groupe a montré qu’une augmentation du nombre d’aérosols, même dans un environnement relativement pollué, serait à l’origine de nuages plus épais et étendus, provoquant des pluies plus agressives. Mais faire la preuve de ce modèle a été une autre histoire, car il est très difficile de faire des expériences sur des nuages, ou même de trouver des moyens d’isoler en temps réel les différents facteurs qui font partie de leur formation.

Le Pr Koren, le doctorant Guy Dagan, et la Dr Orit Altaratz, du département des Sciences de la terre et des planètes, ont trouvé un endroit inattendu pour vérifier leur modèle : près des Latitudes des chevaux, régions subtropicales situées loin dans les océans, qui ont été frappées d’anathème par les marins, il y a très longtemps, parce que, en l’absence de vent, les bateaux à voiles étaient parfois bloqués pendant de longues semaines.

Les chercheurs ont trouvé là un laboratoire naturel qui leur a permis d’expérimenter la physique de base de leur modèle : une région atmosphérique où règnent des conditions météorologiques bien définies. Il peut y avoir des périodes où l’atmosphère est vide d’aérosols, et d’autres où elle en contient une petite quantité. Si le modèle est exact, le passage d’une situation à l’autre doit être spectaculaire. Les chercheurs ont voulu vérifier leur théorie sur les nuages qui se forment dans cette région : des nuages convectifs chauds qui sont alimentés par l’humidité de l’océan.

Ayant ainsi neutralisé l’influence d’autres facteurs potentiels (vent, grands écarts de température, formations terrestres) le groupe a pu se concentrer sur les aérosols, en utilisant les images quotidiennes des satellites pour comparer la couverture nuageuse et les mesures de la charge d’aérosols aux prédictions du modèle. Les nombreux types différents d’analyses qu’ils ont utilisés ont ainsi démontré que leur modèle était très proche des observations des satellites.

Ils ont ensuite utilisé une autre source de données : les instruments satellites CERES (Clouds’ and the Earth’s Radiant Energy System) qui mesurent les flux des radiations réfléchies et émises de la Terre vers l’espace, pour que les chercheurs réussissent à comprendre comment le climat varie au cours du temps. Lorsque l’analyse a été effectuée avec la même charge d’aérosols, sur la même surface et en même temps, le résultat, selon le Pr Koren, a été une « démonstration classique » de l’effet de renforcement des aérosols supplémentaires sur les nuages.

En d’autres mots, les données du rayonnement correspondent à la signature particulière des nuages qui deviennent de plus en plus étendus et de plus en plus épais. Ces nuages montrent une augmentation notable du refroidissement, due à la réflexion du rayonnement des petites longueurs d’ondes, mais cet effet est partiellement neutralisé par le rayonnement de longueurs d’onde plus grandes, renforcé par le rayonnement venant d’en bas.

Au moins au-dessus des océans, les conditions préindustrielles des nuages devaient être très différentes de ce qu’elles sont aujourd’hui. Ceci implique que les aérosols qui se sont ajoutés à l’atmosphère peuvent avoir eu un effet notable sur les modalités globales de la formation des nuages et de la pluie.

Selon le Pr Koren : « Nous avons montré que les nuages convectifs ne cessent pas nécessairement d’être limités par leur contenu en aérosols. En effet, dans des conditions de pollution relative, l’augmentation de la charge d’aérosols fait que les nuages sont plus épais et plus étendus, et qu’ils provoquent des pluies plus fortes. Lorsque la surface de cette couverture nuageuse grandit, elle reflète plus de rayonnement des petites longueurs d’ondes. Mais lorsque les nuages sont plus épais, leur effet de serre devient plus important, et il neutralise environ la moitié de l’effet du refroidissement. »

Publication dans la revue Science

Retrouvez cet article dans Israël Science Info n° 15

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